Bonjour à tous
Les Gagnon
Ils se prénommaient Mathurin, Jean, Pierre et Robert Gagnon. Les troispremiers étaient frères et le quatrième était leur cousin. Ils sontvenus vivre en Nouvelle-France, alors que cette colonie n'offrait larichesse qu'à ceux qui travaillaient dur. Ces hommes ont formé lagrande famille Gagnon dont on trouve des héritiers aux quatre coins duQuébec, du Canada et, sans doute, de l'Amérique. Ils venaient duPerche où leur patronyme n'avait pas encore adopté la forme qu'on luiconnait aujourd'hui. Les régistres, les contrats divers et lesengagements parlent des Gaignon, Gangnon, Gaignons, Gaignion ouGasgnon, mais il est rarement question de Gagnon. C'est laprononcialion en usage de ce côté-ci de l'Atlantique qui seraitresponsable de la modification du nom. C'est au lieu dit La Gaignonnière, à quelques pas de Tourouvre, queseraient nés les enfants de Pierre Gagnon et de Magdeleine (ou Renée)Roger : Marguerite, en 1598; Louys, en 1604; Mathurin, en 1606; Jean,en 1610 et Pierre, en 1616. Des vestiges de La Gaignonnière existenttoujours mais, rien n'a pu empêcher que le berceau de cette familledevienne La Canonnière... Pendant que cette famille était oubliée au Perche, elle prenait racinesur le sol de la Nouvelle-France. Le mouvement est d'abord amorcé parMarguerite Gagnon, femme d'Eloi Tavernier. Le couple semble être passéici avant 1640, incitant les frères de Marguerite à faire de même, peuaprès. Pendant des années, Mathurin, Jean et Pierre Gagnon alaientincarner la solidarité familiale. Ensemble, ils s'établissent en lacôte de Beaupré, entre le Château-Richer et Sainte-Anne. L'hiver, lestrois hommes semblent préférer Québec où, oubliant la terre, ils setransforment en négociants. Ensemble toujours, ils obtiennent, le 14août 1651, la concession d'un terrain Place de la Basse-Ville, oùs'élèvera une maison. Quelques années plus tard, le 6 octobre 1658,enrichis par l'agriculture et par le commerce, ils font l'acquisitiond'un magasin.
Les trois hommes, bien que pris par les affaires, veillent déjà surleur famille. Le 19 juillet 1640, à Québec, Jean épousait MargueriteCochon, originaire de Dieppe, en Normandie. C'était lÃ, le premiermariage contracté par l'un des trois frères. Le couple donna la vie Ãdix enfants. La descendance directe de Jean ne devait pourtant pasêtre nombreuse. Ses filles s'allièrent à des hommes dont ellesperpétuèrent le nom : Jeanne épousa Jean Chapeleau, Renée épousa JeanHouimet et Marguerite épousa Jean Caron.
Pierre Gagnon se maria, à Québec, le 14 février 1642. Sa jeune femme,Vincente Devarieux, une Normande âgée de 18 ans, multiplia sonexistence par dix : L'aïné des frères Gagnon, Mathurin, ne se mariaqu'en 1647. Il élait âgé de 41 ans. Sa femme n'en avait que treize.C'est ce couple qui devait donner le plus de Gagnon à laNouvelle-France. Lorsque leur quinzième enfant fut baptisé, en 1677,Mathurin venait de célébrer son soixante-et-onzième anniversaire denaissance! Mathurin mourut au mois d'avril 1690, à Château-Richer,vingt ans après Jean et neuf ans plus tôt que Pierre.
Robert Gagnon, cousin des trois premiers, forma, à son tour, unebranche de la famille Gagnon. Originaire de La Ventrouze, au Perche,il épousa Marie Parenteau, à Québec, le 3 octobre 1657. Ils donnèrentnaissance à dix enfants.
Après la disparition des quatre Gagnon, la Nouvelle-France venaitd'acquérir un nouveau patronyme que les premiers héritiers, au nombrede quarante-cing, allaient répandre dans les régions de Laprairie, deChâteau-Richer et de Yamachiche. En 1878, à la Rivière-Ouelle, lesdescendants de nos guatre pionniers étaient si nombreux que l'on jugeaà propos de les compter. On arriva au total effarant de trois centsoixante-trois Gagnon, répartis en cinquante familles!
Nostalgique mais admiratif, l'abbé Dumaine, auteur d'un ouvrageintitulé Tourouvre et ses souvenirs, écrivit : "Les Gaignon du Canadaaugmentent toujours; et chez nous la population diminue d'année enannée, en sorte que l'on peut prévoir le temps où les Gagnoncompteront, dans l'Amérique du Nord, plus de descendants que ledépartement de L'Orne ne comptera de population totale. "
En 1667, une fille de Pierre Gagnon entrait au couvent.Marie-Madeleine avait treize ans et la réputation d'être une sainte.Les religieuses de l'Hôtel Dieu de Québec notèrent, à sa mort survenueen 1677 alors qu'elle n'avait que vingt-deux ans: "elle étaitvéritablement comparable aux Anges pour sa pureté, son obéissance, sonesprit de paix et de douceur, et pour sa dévotion(...) Sa douceur, quiest comme la fleur de la charité, l'a toujours rendue très agréable etaux religieuses et aux séculiers qui admiraient également une siparfaite modération et un si absolu empire sur ses passions dans unepersonne de son âge".
Nos Racines No 1, 1979
Dernière révision faite le 15 juillet 1996
Source: par Gilles Martineau